
De 2016 à 2021, les dotations en ressources financières ont connu une explosion continue sous la 7e législature. Des interrogations fusent sur l’opportunité d’une telle augmentation. En plus, des voix s’indignent sur une absence de contrôle indépendant de la gestion des deniers publics par la représentation nationale. En face, des explications ne manquent pas.
De plus de 12 milliards de franc CFA en 2016, la dotation en ressource financière à la représentation nationale est passée à plus de 24 milliards de F CFA en 2021. Soit plus que le double. En effet, les 12 milliards en 2016, sont passés à 15 milliards en 2017, soit une hausse de trois milliards. En 2018, la dotation est à plus de 16 milliards, soit un milliard d’augmentation. En 2019, la hausse passe à plus de 20 milliards, soit plus de quatre milliards d’augmentation. En 2020, la dotation chute à 18 milliards (deux milliards de baisse) pour reprendre son envol en 2021 à plus de 24 milliards. De plus en plus, des voix se levaient pour critiquer voire rouspéter contre cette hausse dont le nombre de l’institution tourne autour de 200 personnes. Des syndicats de l’administration publique ne manquaient pas d’occasion pour critiquer cette hausse « vertigineuse ». La question continue d’alimenter les commentaires (de citoyens) dans les cercles informels comme sur les réseaux sociaux. Une organisation, en l’occurrence le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), une organisation savante, s’est penché sur la question en produisant une étude. Cette étude intitulée « Rapport citoyen sur le travail parlementaire de l’année 2020 » publiée en décembre 2021, abonde globalement dans le même sens que les pourfendeurs de cette explosion budgétaire. L’organisation s’interroge sur l’opportunité de cette hausse significative alors même que les missions constitutionnelles de l’institution n’ont varié d’un iota. Mieux, elle jauge les performances parlementaires à l’aune de cette importante dotation en ressource financière. Elle ne manque pas à ce titre de relever des insuffisances dans l’accomplissement des missions constitutionnelles qui lui échoient. Ainsi, concernant le contrôle de l’action gouvernementale, le CGD salue « l’audace » du parlement pour avoir créé deux commissions d’enquête parlementaire couvrant des domaines sensibles que sont la promotion immobilière au Burkina Faso et la qualité du système de téléphonie mobile au Burkina Faso. Mais, dans la foulée, il déplore la non publication jusqu’à présent les contenues de ces investigations. « Est-ce la sensibilité des constats faits et leurs conséquences sur l’impopularité du gouvernement qui explique que les différents rapports issus des travaux de ces commissions ne sont pas encore accessibles, alors que, l’Assemblée nationale avait pris l’habitude de publier les rapports de ses commissions d’enquête, souvent même, en violation de son règlement intérieur ? Si tel est le cas, l’audace devra être fortement relativisée », s’indigne l’auteur du rapport.

Sur la question du vote de la loi qui est l’une des missions essentielles de l’Assemblée nationale, l’organisation savante de la société civile souligne que dans le contexte burkinabè, le vote des lois n’émane de l’Assemblée nationale que « dans une proportion si marginale que le véritable législateur semble être plutôt l’administration dont il endosse les initiatives ». En guise de justificatif, l’organisation pense que « cela est soit dû à l’état de notre droit positif ou simplement parce que nos parlementaires ou groupes parlementaires n’assument pas pleinement leurs prérogatives constitutionnelles. »
Outre, l’étude déplore la pauvreté du débat parlementaire de façon générale. Les auteurs pensent que cet exercice au « Burkina Faso est quasi inexistant ou s’il existe, il se fait par voie de presse interposée ». Alors que, selon eux, un débat parlementaire assez riche permettrait aux citoyens de « prendre conscience que les députés qu’ils ont mandatés s’intéressent à leurs quotidiens ». En plus, cela complèterait « qualitativement les contrôles de l’action gouvernementale par voie de commission d’enquête parlementaire ». Cette faiblesse du rendement des parlementaires burkinabè, singulièrement ceux de la 7e législature alors que l’institution s’avère être un véritable gouffre financier devrait entrainer un débat citoyen sur la question.
Les dépenses du personnel et les investissements comme justificatifs
Le directeur général de la communication de l’Assemblée nationale, Sylvain Vebamba nous confie que les mannes financières de l’Assemblée nationale vont essentiellement dans un premier temps dans le paiement des émoluments des députés et du personnel administratif. Ensuite, il ajoute les dépenses d’investissement essentiellement engloutis par les reports de crédit pour la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale à Ouaga 2000. En d’autres termes sur ce dernier point, chaque année l’hémicycle met de côté de l’argent pour la construction de son nouveau siège. Le directeur général assure que le terrain et les plans sont acquis et il ne reste que le début du démarrage des travaux. Il n’a cependant pas donné les détails sur les différents montants. C’est encore l’étude du CGD qui avance la budgétisation du montant de 3 milliards depuis 2016. Ce qui signifie que depuis cette année, 3 milliards sont mobilisé chaque et réserver pour la construction du nouveau local de l’hémicycle. L’Assemblée nationale est l’une des institutions dont le président est bénéficiaire des fonds spéciaux communément appelé caisse noire. Depuis son accès au perchoir, le dernier président Alassane Bala Sakandé faisait montre d’une grande générosité en partageant de l’argent. D’aucuns l’accusaient d’être un populiste. En décembre 2017, rendant à des orphelinats dans la ville de Sya, l’ex-président de l’Assemblée nationale annonçait devant les micros et camera des journalistes qu’il cédait 50% de son salaire de base au profit des orphelinats du Burkina Faso. Cette annonce a naturellement suscité de vives réactions d’où la question du fonds spécial de l’Assemblée nationale était incessamment invoquée. Ainsi, un internaute sur le Faso.net réagissait : « BRAVO Mr le PAN ! Seulement j’aurai préféré que vous puisez dans la caisse noire pour doter ces orphelinats. Je préfère que vous gardez intact votre salaire et que vous utilisez la caisse noire pour ces genres de propagande. C’est facile de s’exhiber de la sorte alors qu’on dispose d’autres fonds qui échappent au contrôle de l’ASCE- LC ». Pour Anselme Somda, si le président de l’Assemblée nationale voulait soulager les orphelins du Burkina, la solution indiquée était de peser de tout son poids politique pour faire adopter une loi visant à assurer un mieux-être à ses fils et filles du pays en détresse. Outre, la « générosité » l’ex président qui consistait à la distribution d’espèce sonnante et trébuchante mobilisait surtout les associations et organisateurs d’évènementiels pour l’avoir comme parrain de leur activité.
« L’Assemblée nationale est l’institution la plus opaque au Burkina Faso »
L’étude du CGD met le doigt sur un problème de transparence. Il y est regretté le fait que le parlement burkinabè ne fasse « l’objet de contrôle de la part d’aucune institution de contrôle indépendante ». La structure pense qu’il est paradoxal qu’une institution qui se montre « exigeante, voire même très exigeante », à l’égard du gouvernement, alors qu’elle-même « échappe à tout contrôle institutionnel ». Elle indique son budget est inscrit au budget général de l’État, dans ses grandes lignes, « sans débat ». Par ailleurs, « elle ne rend pas compte, ne serait-ce que par souci de redevabilité dans un Etat de droit démocratique dont telle est un maillon essentiel de sa consolidation, de façon volontaire », s’offusque le rapport.
L’étude estime que c’est au nom d’une « perception dépassée de la séparation des pouvoirs », que « les représentants du peuple font ce qu’ils veulent avec l’argent des représentés ». Et de trancher : « En tous les cas, l’Assemblée nationale est l’institution la plus opaque au Burkina Faso ». Selon Anselme Somda, ancien député du Conseil Nationaml de la Transition (CNT) et membre du CGD, il est « inconcevable qu’après l’insurrection populaire et la rupture annoncée, le parlement continue de bénéficier d’une immunité de contrôle ». Pendant que la structure trouve qu’il est devenu « urgent que les représentés puissent connaître le budget de l’Assemblée dans son détail et comment ce budget est exécuté », Anselme Somda pense qu’il est grand temps que cette immunité cesse au nom de la transparence budgétaire, socle de bonne gouvernance des deniers publics. Dans la foulée, l’étude s’interroge comment le président de l’Assemblée nationale finance sa générosité ? et comment est utilisé le carburant de l’Assemblée nationale ?
Au niveau du service de communication de l’Assemblée nationale, le directeur excipe la notion des séparations des pouvoir pour expliquer pourquoi une structure comme l’ASCE-LC qui relève de l’exécutif n’est pas fondé à contrôler l’hémicycle.

Suite à une question lors de la présentation du dernier rapport de la Cour des comptes, en fin décembre 2021, le président par intérim reconnaissait que son institution ne s’était jamais intéressée à la gestion financière de l’Assemblée nationale. Cependant, il ajoutait que la Cour des comptes est habilitée à contrôler toute structure qui gère de l’argent public. Et par conséquent, la Cour s’attèlera désormais à contrôler la gestion financière de l’hémicycle.
Hamidou TRAORE
Combien coûte un député ?
Selon le directeur de la communication de l’Assemblée nationale, un député est rémunéré sur la base des textes étatiques. Ainsi, il lui est servi le salaire le plus haut et dans la plus haute catégorie des rétributions de la fonction publique. Le directeur indique qu’en ajoutant tous les avantages connexes juridiquement prévus, le député se retrouve avec environ « un peu plus d’un million le mois ». En plus, le député a droit à un prêt d’au plus 13 millions de F CFA pour s’acheter une voiture. Ce prêt devrait être remboursé au cours de la durée du mandat c’est-à-dire pendant les 5 ans. A l’occasion des deux sessions ordinaires parlementaires qui durent 90 jours chacune, le député reçoit des perdiems de 30 000 F CFA par jour.
H T