Adama siguiré. Celui qui se fait appeler l’écrivain professionnel, grand laudateur du pouvoir actuel a comparu ce lundi matin 15 janvier 2024 devant la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Ouagadougou. L’enseignant de philosophie devrait répondre des faits de « diffamation, injure publique et menace de mort », à l’encontre de la confédération générale du travail du Burkina (CGT-B) dans une salle bondée de partisans des deux camps. Les conseils du prévenu ont sollicité un renvoi du dossier.
Adama siguiré accusait, via le réseau social Facebook, l’organisation des travailleurs (CGT-B) -après leur point presse tenu en octobre 2023 annonçant un meeting-, d’avoir « reçu de l’argent avec des impérialistes » pour déstabiliser le pouvoir actuel. Il n’en fallait pas plus pour que la toile explose de vidéo où les auteurs brandissaient des machettes et autres armes pour réprimer dans ce meeting dans le sang. Ayant pris la mesure de la situation, la CGT-B a donc décidé de porter plainte contre l’accusateur.
C’est donc une audience sous haute surveillance policière qui s’est ouverte ce matin. Un nombre impressionnant des éléments de la compagnie républicaine de sécurité (crs), une unité d’élite de la police nationale était mobilisé pour sécuriser la tenue du procès. Mais aussitôt ouvert, le tribunal a décidé du renvoi du procès suite à la demande des avocats du prévenu. Ces derniers ont souhaité ce renvoi pour mieux se préparer. Arguant d’une bonne administration de la justice, le tribunal a accordé ce renvoi qui a également rencontré l’assentiment des conseils de la CGT-B. La date retenue en commun accord est le 29 janvier 2024.
Les précisions de Me Prosper Farama
Suite au report, le conseil de la structure syndicale, Me Prosper Farama s’est prêté à quelques questions des journalistes. Dans une des réponses, il donne les clarifications suivantes : « Quand nos clients nous saisissaient, leur discours était très simple. Nous avons voulu organiser une manifestation et des gens ont écrit des choses qui étaient des critiques. Même si nous ne les partageons pas, nous les avons acceptées. On est dans un Etat de droit et chacun est libre de critiquer. Par contre, certains ont écrit des choses qui étaient très graves. Elles nous ont accusé des faits bien précis, disant que nous avons pris de l’argent avec des gens, notamment l’impérialisme, pour déstabiliser la transition, dans le cadre d’un complot.
Certains ne l’ont pas dit qu’une seule fois, mais l’ont répété. Et visiblement, des burkinabè ont cru en ce qu’ils disaient. Ce que nous voulons, c’est qu’on donne l’opportunité à ces personnes qui ont fait ces déclarations très graves contre nous de s’expliquer. Nous voulons qu’ils nous disent où, quand et comment nous avons reçu de l’argent de qui que ce soit, pour déstabiliser la transition ».
Un procès pédagogique !
Me Farama ajoute que la critique est admise dans un Etat de droit. Et l’administration judiciaire a son rôle dans l’exercice de ce droit. « Un Etat sans justice est une jungle », précise-t-il. Dans le cadre de cette affaire, il souligne que la justice doit être rétablie au plus vite car, « si la critique est autorisée, il faut qu’elle se fasse dans la mesure et avec preuve à l’appui ». Pour lui, ce procès n’a aucunement comme visée une tentative « d’abattre la transition », comme certains le croiraient : « il y a des millions de soutiens de la transition qui ne viendront jamais en justice. Il y a des millions qui critiquent la CGT-B qui ne viendront jamais en justice. Le droit de critique est autorisé. Mais si je dis par exemple qu’un ministre a volé 10 ou 300 millions dans les comptes de l’Etat, on me dira de venir m’expliquer. C’eût été Siguiré, Ouédraogo ou Prosper, ça aurait été le même procès » a-t-il conclu.
Rendez-vous pour le 29 janvier 2024.
Hamidou TRAORE