
Face à la montée des multiples atteintes à l’encontre des ressources en eau, le service de la police de l’eau se dresse pour discipliner les usages. Sa principale mission est de veiller à la pleine application de la réglementation aux fins d’endiguer les pratiques nuisibles et assurer l’intégrité et la pérennité des différentes ressources à l’échelle nationale. In fine, cette structure est à l’avant-garde des efforts étatiques pour garantir le droit à l’eau et tout ce qu’il implique pour toutes les catégories d’usagers. Ainsi les personnes et les entreprises notamment les producteurs d’eau préemballée qui foisonnent utilisant ces ressources se trouvent dans le collimateur de cette police. Ainsi, bien qu’assailli par diverses difficultés, elle fait des exploits et donne du fil à retordre aux contrevenants à la règlementation en matière d’eau.
18 mai 2021. Un procès inédit se tenait devant la chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de (TGI) Tenkodogo. Le prévenu A.K, cultivateur-maraicher de profession faisait face aux juges pour répondre de ses actions ayant gravement dégradées le barrage de Gourgou, situé dans la commune de Tenkodogo, (province du Boulgou et région du Centre-Est au Burkina Faso). A.K était poursuivi pour « exercice illégal d’une activité agricole et de pollution d’eau ». Une première devant le prétoire. En effet, A.K s’adonnait à la culture de la tomate sur une spacieuse superficie de 45 448 mètres carrés, directement dans la cuvette du barrage. Pour drainer l’eau du barrage qui s’amenuisait à cause de la saison sèche, le cultivateur-maraicher a creusé 39 rigoles d’emmener d’eau de plusieurs dizaines de mètres et d’environ un mètre de profondeur. En plus, il a réalisé deux puits dans le barrage. Ces deux « faits ont aggravé l’ensablement du barrage », selon Fidèle Koama, directeur régional de l’eau et de l’assainissement de la région du Centre-Est. Outre, il épandait des pesticides et repensait de l’engrais dans le barrage, polluant par ricochet l’eau. Ce qui mettait en danger de mort les animaux domestiques qui viennent s’y abreuver, et la population qui s’en sert pour multiples usages. A.K avait même engagé 14 jeunes gens qui y travaillaient permanent. Au regard des graves atteintes causées par le cultivateur-maraicher et son équipe, le service de la police de l’eau de la région du Centre-est par le truchement de la Direction régionale de l’eau et de l’assainissement a saisi le juge. D’ailleurs au cours du procès, cette direction représentée par le directeur Fidèle Koama s’était également constitué partie civile à côté du procureur. Dès l’ouverture du procès, répondant à la première question du président de la chambre Saïba Sankara, le prévenu a reconnu les faits qui lui étaient reprochés. A l’issue des débats, le procureur avait requis une condamnation d’une amende de 2 millions de franc CFA à l’encontre du prévenu. L’Agence judiciaire de l’Etat, qui défendait également les intérêts de l’Etat réclamait la somme de 31 millions FCFA qui devront servir à la restauration du barrage. Mais au finish, A.K est condamné par le tribunal au paiement d’une amende de 500 000 F CFA. Malgré cette condamnation a « minima », le directeur régional, Fidèle Koama, a indiqué que le plus important était la tenue du procès qui retentit désormais comme une « sérieuse » mise en garde contre tous les contrevenants à la règlementation en matière d’eau dans toute la région et voire dans tout le Burkina Faso. Le substitut du procureur, Oulon Roland, a qualifié ce procès de « première » de toute sa carrière. Outre, le service de la police de l’eau se bat sur d’autres fronts et fait d’importantes prises mettant également hors de nuire des usagers.
Des pratiques nuisibles à l’encontre des plans d’eau traquées

L’article 2 du décret n°2008-423/PRES/PM/MAHRH/MEF/MECV/MS/SECU du 10 juillet 2008 portant définition, organisation, attributions et fonctionnement de la police de l’eau donne à ce service des missions de prévention, de contrôle et de répression, dans la mise en œuvre de la législation en matière de ressources en eau. La police de l’eau est particulièrement active dans les régions des Hauts Bassins et dans la région du Centre-nord. Elles organisent des sorties (terrains) inopinées pour non seulement, sensibiliser les usagers mais également, faire respecter la réglementation. Ainsi, profitant d’une sortie de la police de l’eau de la région des Hauts Bassins, avec à sa tête Garba Florentin, en août 2019, nous avons pu constater de visu la sensibilisation, l’interpellation voire la destruction d’activités aux antipodes de la réglementation comme des champs installés dans aux alentours du sous bassin du Kou et l’imposant barrage de Samendeni. Outre, des documents internes comme le rapport d’une mission de « Contrôle du respect de la bande de servitude du Barrage de Samendeni» effectuée du 29 au 31 Mai 2019 font ressortir les actions de la police de l’eau des Hauts Bassins. Le directeur Garba Florentin explique la nécessité de cette mission en arguant que peu de temps après la mise en eau du barrage (intervenue le vendredi 07 juillet 2017) et l’autorisation d’y pratiquer la pêche au barrage (accordée depuis le 24 décembre 2018), des personnes qui avaient été indemnisées sont revenues pour pratiquer l’agriculture avec un usage massif de pesticide et d’engrais chimiques dans la bande de servitude. Une pratique « dévastatrice de la retenue », selon le directeur Garba Florentin. D’ailleurs, il signale la mort de crapauds autour du barrage « probablement due au poison utilisé comme pesticides ». La mission a constaté avec stupéfaction des activités agricoles dans les périmètres du barrage. Ainsi elle a découvert entre autres, -dans différentes parties du barrage reparties entre cinq communes- dans les limites des hautes eaux du barrage des champs de maïs dont un sur une superficie de « environ 250 hectares » et l’autre sur un espace de « 200 m2» ; une présence « d’un champ de gombo de 300 m2…contre une culture maraichère (tomate, oignon, chou) et du tabac d’environ 40 hectares ». Elle a également noté des « restes de cultures maraîchères (aubergine, melon, gombo et piment) sur une superficie totale d’environ deux hectares contre 30 hectares de tomate, oignon, chou, aubergine, laitue, piment, gombo… ». La présence d’une « bananeraie de 2 hectares dont les 0.25 hectares sont dans la limite des hautes eaux » ; « Présence de 150 m2 de choux ; Présence de champs de maïs et de culture maraichère (aubergine, gombo) étalé sur une superficie totale d’environ deux hectares contre une culture maraichère (tomate, oignon, chou) » ; « Présence de cultures maraîchères (tomate, oignon, chou, aubergine, laitue) à l’intérieur de la cuvette du barrage sur une superficie d’environ 30 hectares ».

En 2021, la police de l’eau a contrôlé et libéré les bandes de servitude de neuf retenues d’eau et 4 cours d’eau (Barrages de Toussiana, de Dierie, Chantal COMPAORE, Samendéni). La même opération s’est tenue en 2020 et sur les mêmes lieux.
Dans le même élan, la police de l’eau de la région du Centre-Est fait mention d’une activité identique dans son rapport d’activité de l’année 2020. En effet, trois sorties au cours de l’année 2020 (27 au 30 juillet 2020, du 31 Août au 04 Septembre 2020, du 05 au 09 Octobre 2020) a consisté à effectuer des patrouilles au niveau des berges de sept barrages de la région. Il s’agit notamment des barrages de Lagdwenda dans la commune de Tenkodogo), Lalgaye dans la commune de Lalgaye et de Gazandouré dans la commune Sangha. Cette sortie a permis à l’équipe de Koumsongo Riim-Yam Albert, chef de service de la police de l’eau d’interpeller un producteur maraicher. La mission a pu libérer « 12,0729 hectares en rive gauche… dans la bande de servitude sur le site de Ladwenda ». Idem pour « 1,9657 hectare en rive droite dans la bande de servitude » sur le site de Ladwenda. Plusieurs dizaines de puits maraichers ont été abandonnés dans la bande de servitude au niveau du barrage de Ladwenda. Un producteur a respecté les recommandations en abandonnant le siphonage à travers la digue du Barrage de Lalgaye. Trois productrices ont été convoquées pour occupation anarchique de 0,2235 hectare dans la bande de servitude à des fins d’activités agricoles ; un éleveur qui avait construit son enclos dans la bande de servitude du barrage de Lalgaye a été déguerpi, 0,5 hectare a été libéré dans la bande de servitude suite au déguerpissement de l’éleveur. Les patrouilles ont également concerné les berges des barrages de Gourgou et Bidiga dans la commune de Tenkodogo, Tensobentenga dans la commune de Tensobentenga, Gorgho dans la commune de Koupéla et de Lalgaye dans la commune de Lalgaye. Koumsongo Riim-Yam Albert se félicite du fait que son équipe a fait libérer en tout « plus de 14 hectares ».
Les industriels et sociétés de production d’eau préemballée dans le collimateur !

Sur la base de ses prérogatives, le service de la police de l’eau traque les industriels dont les fonctionnements sont susceptibles de mettre en péril les ressources en eau. Il en est de même des unités de production d’eau préemballée. Ainsi, une opération inopinée du service de la police de l’eau des Hauts bassins que nous avons suivie de prêt en novembre 2020 a donné un véritable coup de balai dans secteur dans la ville de Bobo-Dioulasso. L’équipe de Garba Florentin a débusqué en deux jours une trentaine d’unités d’ensachage d’eau travaillant dans l’illégalité dont une dizaine étaient totalement clandestines. Au cours de cette sortie, l’un des cas de production clandestine qui a choqué l’équipe (dans le quartier Sabaribougou), était celui d’un jeune homme torse nue, assis à même le sol, dans un environnement dégueulasse surpris en train d’ensacher l’eau que déversait une machine. Dans le même alignement et dans des conditions quasi similaires, un autre jeune s’activait à la même tâche. Les deux jeunes partageaient le même politank d’où provenait l’eau. Selon le responsable de la police de l’eau, Garba Florentin, ces deux unités ne respectaient « aucune norme ». Il a, séance tenante ordonné la fermeture de ces unités avec à la clé des convocations pour une audition le lendemain au siège de la police de l’eau. Ainsi toutes les sociétés et industriels fonctionnant en violation des règles gouvernant le secteur de l’eau ont été sanctionné soit temporairement suspendu avant de régulariser leur situation soit définitivement fermé lorsque la situation s’avérait gravissime. C’est la même démarche qui a prévalu au Centre-est. Pour donner des chiffres issus des documents internes, notons le bilan d’activité de 2021 indique entre autres le contrôle de 61 unités de production d’eau préemballée. 12 unités non en règle ont été fermées. 25 unités ont obtenu un délai de cinq mois pour se conformer à la règlementions. Les amendes cumulées s’élèvent à 7 675 000 FCFA. 45 structures présentant des risques potentiels de pollution des ressources en eau ont été inspectées. 45 structures présentant des risques potentiels de pollution des ressources en eau ont été inspectées.
En 2020, 48 unités de production d’eau préemballée ont été contrôlées. 34 unités non en règle ont été fermées. 11 unités ont obtenu un délai de cinq mois pour se mettre en règle. Les amendes cumulées s’élèvent à 7 050 000 FCFA. 20 structures présentant des risques potentiels de pollution des ressources en eau ont été contrôlées. Une contre-expertise des eaux de boisson de 6 d’AEPS (Approvisionnement Eau Potable Simplifié) a été réalisée. 20 structures qui présentent des risques potentiels de pollution des ressources en eau examinées. Dans ses sorties, même les grandes sociétés comme Sofitex, brakina, etc ne sont pas épargnées. Entre 2017 et 2017 la police de l’eau des Hauts bassins a contrôlé 65 unités de production d’eau préemballée. 31 unités qui n’étaient en règle ont été fermées. Parmi elles, cinq ont vu leur matériel saisi. Elle a pris en flagrant délit 12 unités qui s’approvisionnaient directement à partir du réseau d’eau potable de l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA). 15 unités ont obtenu un délai de cinq mois pour se conformer car possédant au moins un protocole pour le suivi de la qualité de leurs eaux. Un producteur a été traduit en justice. Les sanctions pécuniaires de 2019 s’élevaient à 1 700 000 F CFA.
Dans la région du Centre-est, le service de la police de l’eau a contrôlé 60 unités de productions d’eau en 2020. 29 ont été convoquées pour audition à l’issue de laquelle cinq unités ont payé des amendes dont les totaux s’élevaient à 490 000 F CFA. Neuf unités ont été suspendues. Et une unité fermée.
Rappelons que dans les deux régions les principales infractions constatées et qui donnaient lieu à des condamnations étaient l’absence de protocole d’analyse d’eau qui est document particulièrement important car il s’agit d’une convention avec un laboratoire agréée qui vient chaque mois contrôler la qualité de l’eau avant son ensachage; la non-conformité des locaux ; l’absence des autorisations ; l’absence de certificat d’homologation des emballages plastiques et le non-respect des règles d’hygiène.
Des difficultés qui freinent le service dans son élan
Les services de la police de l’eau dans les différentes régions butent sur des obstacles qui entament leur efficacité. Il s’agit notamment de l’insuffisance des ressources financière pour effectuer des patrouilles. La mise à disposition tardive des fonds qui ne permet pas au service d’être fonctionnel en temps plein. Le nombre limité des moyens de déplacement pour effectuer les patrouilles de contrôle. Le nombre très élevé des Postes d’Eau Autonome à but lucratif et des producteurs d’eau préemballée. Le disfonctionnement des périmètres aménagés des barrages rendant complexes le processus de libérations des bandes de servitude. L’absence de bornes de délimitation de certains barrages et cours d’eau limitant l’intervention du Service de la police de l’eau. L’inaccessibilité des berges de certaines retenues avec les moyens de transport routiers (Motos, Voiture). La lourdeur administrative dans la délivrance des documents d’autorisation qui ne permet pas d’appliquer une mesure de fermeté lors des contrôles. L’insuffisance des mesures de sécurité compte tenue de la situation sécuritaire dans certaines localités des Hauts bassins et même du Centre-Est. L’absence de laboratoire d’analyse d’eau dans la Région du Centre-Est et même dans les Hauts-bassins.
Hamidou TRAORE
Encadré
Genèse de la police de l’eau au Burkina
Instituée pour prévenir, constater et faire poursuivre les infractions commises en violation de la règlementation en matière de ressources en eau, la police de l’eau tire sa source de plusieurs textes juridiques. En effet, le principe de la protection des usagers et de la nature défini par la politique nationale de l’eau (1998) stipule que : « La protection des usagers et de la nature est une mission essentielle des pouvoirs publics. Elle nécessite la définition et le respect de normes réglementaires (…) pour prévenir les risques sanitaires ou les risques de dégradation des ressources en eau. Il importe de veiller au respect de ces normes par des contrôles réguliers ». Dans la foulée, la loi d’orientation relative à la gestion de l’eau de 2001 a entériné la mise en place d’un service compétent pluridisciplinaire pour veiller au respect des injonctions juridiques. C’est donc sur la base des dispositions de cette loi, que les services police de l’eau ont été mis en place. Par la sensibilisation et/ou la répression, elles contribuent à la préservation des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques. Ce service a été en premier lieu installé dans les Hauts-Bassins à titre pilote depuis Août 2014 et est opérationnel depuis 2015. Dirigé par Garba Florentin, les résultats spectaculaires engrangés ont permis la mise en place du même service dans la région du Centre-Est en 2017. De nos jours, la police de l’eau est installée dans les 13 régions du Burkina Faso.
Précisons que le service de la Police de l’eau n’est pas un corps spécifique en tant que tel. Il regroupe la gendarmerie, la police nationale, la police municipale, les agents assermentés des eaux et forêts et de la santé. Il est implanté au sein des directions régionales de l’eau et de l’assainissement.
H T
Objectif ODD !
En souscrivant aux Objectifs du Développement Durable, le Burkina Faso a réaffirmé l’importance de l’intégration des questions liées à l’eau dans la problématique du développement durable. Les ODD exigent l’atteinte de l’accès universel à une eau salubre en quantité suffisante pour chaque Burkinabè d’ici 2030. La police de l’eau est donc en première ligne sur le front de cet engagement. Il est donc impérieux qu’elle soit suffisamment armée pour venir à bout du foisonnement des mauvaises pratiques qui dégradent l’eau… d’autant plus que le Burkina se trouve également pris dans le piège des changements climatiques qui amenuisent la pluviométrie et accélère l’évaporation des ressources actuelles.
H T
Allo police de l’eau, ici zones non loties !
De plus en plus en plus de Burkinabè se ruent dans les zones non loties pour s’y loger. Cela suscite chez certains une aubaine pour faire le business de l’eau. Ainsi, ils installent des forages pour commercer l’eau. Dans la majorité écrasante des cas, nombre de ces forages ne remplissent pas les normes que contrôle la police de l’eau. Des maladies liées à l’eau explose dans certains de ces zones comme l’atteste une étude de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), intitulée « Inégalités de santé à Ouagadougou Résultats d’un observatoire de population urbaine au Burkina Faso », publiée en 2019. Le droit de l’eau dans ces zones où vivent des millions de Burkinabè implique également l’accès à une eau saine.