Photo de Christophe ARCHAMBAULT / AFP)
Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu ce jeudi 23 octobre, la responsabilité de TotalEnergies dans une campagne de communication trompeuse sur sa prétendue « neutralité carbone » à l’horizon 2050. Une première mondiale qui ébranle le géant pétrolier et fait jurisprudence pour la lutte contre le greenwashing.
Par Hamidou TRAORE, tr.hamidou@gmail.com
Une première mondiale contre la désinformation climatique
Le verdict est tombé : TotalEnergies a été reconnue coupable de pratiques commerciales trompeuses pour avoir diffusé des messages publicitaires laissant croire qu’elle œuvrait activement à la transition énergétique et à la neutralité carbone.
Cette décision historique est le fruit d’une action en justice lancée en 2022 par Les Amis de la Terre France, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous, avec le soutien de ClientEarth.
Les associations accusaient le groupe d’avoir orchestré une vaste campagne de greenwashing à l’occasion de son changement de nom, de Total à TotalEnergies, en 2021.
« Cette décision interdit enfin à la multinationale de dissimuler les dommages qu’elle cause derrière des artifices de communication verte. », dixit Edina Ifticene, responsable de campagne, Greenpeace France

Des sanctions exemplaires
Le tribunal a ordonné deux mesures fortes :
- L’arrêt immédiat des allégations mensongères sur la neutralité carbone, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;
- La publication du jugement sur la page d’accueil du site www.totalenergies.fr, de manière visible pendant 180 jours.
Cette condamnation vient couronner trois années de bataille judiciaire menées par les ONG pour dénoncer la désinformation climatique orchestrée par le géant de l’énergie.
Pour Juliette Renaud, Les Amis de la Terre France, « Nous espérons que cette décision mettra en lumière la réalité des activités de Total, qui poursuit son expansion pétrolière et gazière sur tous les continents. »
Un jugement à portée symbolique
Le tribunal n’a pas retenu les accusations liées au gaz et aux biocarburants, considérant qu’elles ne relevaient pas directement de la relation commerciale avec les consommateurs.
Mais cette réserve ne diminue en rien la portée du verdict, salué comme un précédent mondial.
Réagissant à ce verdict, Nnimmo Bassey, de Health of Mother Earth Foundation souligne que « Zéro net n’est pas zéro. Cette victoire montre que les entreprises doivent désormais prouver leurs engagements, pas les inventer. »

Un signal fort avant la COP30
À l’approche de la COP30, la condamnation de TotalEnergies envoie un message clair à l’industrie fossile :
les promesses vertes sans actes concrets peuvent être sanctionnées.
Ainsi, Dean Bhebhe, expert en transitions justes pense que « Nous ne pouvons pas laisser ceux qui ont alimenté la crise climatique se présenter comme les champions de ses solutions. »
Dans plusieurs pays africains où le groupe développe ses projets les plus controversés, cette décision suscite l’espoir d’une réplication juridique. Ainsi, pour Omar Elmawi, Mouvement des mouvements africains, « Les publicités “vertes” de Total ne sont qu’un écran de fumée. Les communautés locales paient le prix fort pendant que les profits fossiles explosent. »
Vers une nouvelle ère de responsabilité climatique
Pour Dickens Kamugisha, directeur de l’Africa Institute for Energy Governance, cette décision dépasse les frontières françaises : « Il est temps que les compagnies pétrolières disent la vérité : elles développent encore pétrole et gaz tout en aggravant la crise climatique. »
La condamnation de TotalEnergies ouvre la voie à une nouvelle jurisprudence mondiale sur la communication environnementale des grandes entreprises.
Désormais, verdir son image sans verdir ses activités expose à des sanctions judiciaires.
Le tribunal de Paris vient d’ouvrir une ère de vérité pour les grands pollueurs.
Alors que la planète s’échauffe et que la société civile réclame des comptes, cette décision marque un tournant : la justice devient un levier central de la transition écologique.
Hamidou TRAORE
