
Le 20 mars 2023, à Interlaken, en Suisse, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a rendu public son dernier rapport sur la crise climatique mondiale. Ces experts sont convaincus que la nonchalance des Etats à agir pour pour s’attaquer à la crise climatique est en train de ruiner toutes possibilité de limiter le réchauffement à un seuil viable. Ils appellent donc à « une action climatique urgente peut garantir un avenir vivable pour tous » et à un sursaut international.
C’est un rapport particulièrement alarmant qui a été présenté. Il rassemble des éléments de preuve issus de diverses études que le GIEC a menées depuis 2018, et est le premier de ce type depuis 2014. L’humanité fonce dangereusement vers le gouffre. Les activités humaines chamboulent le climat à un rythme et avec une envergure sans précédent depuis des centaines de milliers d’années, entraînant des effets toujours plus nuisibles, généralisés et désormais souvent irréversibles. Bien que plusieurs milliards de personnes soient déjà affectées à travers le monde, la poursuite des émissions de gaz à effet de serre va aggraver la crise alimentaire, le manque en eau, dégrader davantage la santé humaine, les économies nationales et la survie d’une grande partie du monde naturel.
Une situation très alarmante
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a averti que la planète n’a plus une minute à perdre pour éviter le pire. Selon lui, l’humanité est sur une glace mince – et cette glace fond rapidement. « Le taux d’augmentation de la température au cours du dernier demi-siècle est le plus élevé depuis 2.000 ans. Les concentrations de dioxyde de carbone n’ont jamais été aussi élevées depuis au moins deux millions d’années. La bombe à retardement du climat fait tic-tac », a-t-il mis en garde. Les impacts du changement climatique vont s’accentuer au fur et à mesure du réchauffement mondial. Cela concerne : les extrêmes de températures, l’intensité des précipitations, la sévérité des sécheresses, l’augmentation en fréquence et intensité des évènements climatiques rares, l’accélération de la fonte du permafrost, de la glace de mer en Arctique, des glaciers de montagne et des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique.
Les mécanismes naturels d’absorption du carbone seront de moins en moins efficaces. Certaines conséquences du changement climatique, comme la montée du niveau de la mer ou encore la fonte des calottes glaciaires, seront irréversibles pendant des siècles, voire des millénaires.
Les chiffres compilés par les scientifiques donnent d’ailleurs la mesure de cette situation alarmante. Plus d’un siècle de combustion de combustibles fossiles et d’utilisation inégale et non durable de l’énergie et des sols a ainsi entraîné un réchauffement de la planète de 1,1 °C par rapport aux niveaux préindustriels.
Les émissions mondiales annuelles de gaz à effet de serre (GES) sont aujourd’hui 50% plus élevées qu’il y a 30 ans et des 2.400 milliards de tonnes imputables historiquement à l’activité humaine, plus de 40% des émissions ont été produites au cours des trois dernières décennies.
Dans ces conditions, la concentration de CO2 dans l’atmosphère bat des records année après année. Le réchauffement climatique mondial risque fort d’atteindre 1,5°C, par rapport à l’ère préindustrielle, « à court terme ».
Dans de telle situation, « toutes les régions du monde devraient faire face à une hausse des menaces climatiques » pour les humains et les écosystèmes. De plus, cela se conjugue par des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses qui ont des répercussions de plus en plus dangereuses ».
Le rapport estime qu’il est possible que la limite fixée à 1,5°C soit dépassée avant 2035. Il affirme que les émissions de gaz à effet de serre doivent quasiment être réduites de moitié d’ici à 2030 afin que nous restions à 1,5°C ou en-dessous, mesures qui seront suivies d’autres réductions. Selon l’Agence internationale de l’énergie, cependant, la production annuelle de pétrole et de gaz dans le monde devrait augmenter d’ici à 2030.
Le GIEC déclare sans équivoque que les gaz à effet de serre, principalement produits par la consommation de combustibles fossiles, mènent à des niveaux sans précédent en matière de réchauffement climatique, et que la décennie écoulée a été la plus chaude des 125 000 dernières années. Cela a déjà causé « des dégâts considérables et des pertes de plus en plus irréversibles » pour la nature et les personnes.
Les scientifiques reconnaissent aussi les effets particuliers du changement climatique causé par des schémas d’inégalité historiques et persistants, comme le colonialisme, en particulier pour de nombreux peuples autochtones et communautés marginalisées. Le GIEC a aussi souligné que privilégier l’équité, la justice climatique, la justice sociale, l’inclusion et des processus de transition justes peut accélérer les efforts de réduction des émissions et favoriser un développement qui soit à l’épreuve du climat.
Un appel à agir maintenant
Cependant, les experts qui jugent les efforts faits comme largement insuffisants pour lutter contre le changement climatique, reconnaissent que l’humanité peut encore reculer et éviter l’apocalypse climatique. Conserver un monde vivable pour tous implique de réduire immédiatement et drastiquement les émissions dans tous les secteurs. Les options pour y parvenir, mais aussi pour s’adapter au dérèglement climatique, sont nombreuses, efficaces et disponibles dès maintenant. Les experts du GIEC estiment qu’il reste une chance de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle, à condition d’un sursaut international. « La bombe à retardement climatique poursuit son compte à rebours, mais ce rapport est un guide pratique pour la désamorcer, un guide de survie pour l’humanité », a réagi le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres.
Selon le Président du GIEC, Hoesung Lee, « l’intégration d’une action climatique efficace et équitable permettra non seulement de réduire les pertes et les dommages subis par la nature et les populations, mais aussi d’obtenir des avantages plus larges ». Il ajoute que « ce rapport de synthèse souligne l’urgence de prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons encore assurer un avenir durable vivable pour tous».
Ce dernier rapport du GIEC est largement considéré comme essentiel à l’information des gouvernements et des décideurs politiques sur l’état actuel et futur du climat dans le monde, ainsi que sur les mesures à adopter afin de s’attaquer à la crise climatique.
Chaque pays doit agir
Les recommandations du rapport appellent plus globalement, chaque pays à intégrer des mesures d’adaptation au changement climatique et à des actions visant à réduire ou à éviter les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, l’accès à une énergie et à des technologies propres améliore la santé, en particulier celle des femmes et des enfants ; l’électrification à faible émission de carbone, la marche, le vélo et les transports publics améliorent la qualité de l’air, la santé, les possibilités d’emploi et l’équité.
Dans cette course contre la montre, le rapport précise qu’en l’absence de mesures immédiates et ambitieuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le budget qui nous donne 50% de chances de ne pas dépasser le 1,5°C sera pour ainsi dire épuisé d’ici 2030.
Le chef de l’ONU invite les dirigeants des pays développés à s’engager à atteindre le niveau zéro le plus près possible de 2040, la limite qu’ils devraient tous s’efforcer de respecter. De leur côté, les dirigeants des économies émergentes doivent s’engager à atteindre l’objectif de zéro net à une date aussi proche que possible de 2050 – là encore, la limite qu’ils devraient tous s’efforcer de respecter.
« Chaque pays doit faire partie de la solution. En exigeant que les autres agissent en premier, on s’assure que l’humanité arrive en dernier », a mis en garde M. Guterres.
Hamidou TRAORE