
Un rapport conjoint de la Commission de l’Union africaine (CUA), de la (CEA), de la Banque africaine de développement (BAD) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a été publié à l’occasion de la Conférence économique africaine en mi-décembre 2022, à Maurice. Cette étude jauge les progrès de l’Afrique dans la mise en œuvre des Objectifs du Développement Durable (ODD) et les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, dans le contexte de la triple crise de COVID-19, des changements climatiques et de la guerre en Ukraine, qui obstruent les performances du continent sur ces deux agendas. Les conclusions sont dans l’ensembles décevantes.
Intitulé « Mieux reconstruire après la maladie du coronavirus, tout en faisant progresser la pleine mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable », le rapport 2022 sur les ODD en Afrique présente une analyse « approfondie » de cinq objectifs de développement durable : l’objectif 4 (éducation de qualité), l’objectif 5 (égalité des sexes), l’objectif 14 (vie aquatique marine), l’objectif 15 (vie terrestre) et l’objectif 17 (partenariats pour les objectifs).
ODD 4 : Éducation de qualité
Selon le rapport, l’Afrique n’a progressé « que lentement dans l’offre d’une éducation de qualité pour tous ». Malgré les efforts scolarisation relevés, il y a quelque 288 millions d’enfants en âge d’être scolarisés qui ne le sont pas. Cette situation est très marquée en particulier dans les pays touchés par des conflits. Pour changer la donne dans ce secteur, le rapport recommande une augmentation substantielle du financement des infrastructures éducatives, en se concentrant notamment sur l’enseignement pré-primaire et primaire. Il est également recommandé un investissement conséquent dans la formation des enseignants et dans la connectivité numérique.
ODD 5 : Égalité entre les femmes et les hommes, lents progrès
Il ressort également du rapport les « lents progrès en matière d’inclusion des genres ». Il recommande par ricochet, l’application de cadres juridiques pour protéger les femmes et les filles contre les discriminations, les violences domestiques, le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines. A titre illustratif, le rapport note que bien que les femmes constituent une grande partie de la main-d’œuvre africaine, seuls 29,8 % des postes de direction en Afrique – hors Afrique du Nord – étaient occupés par des femmes en 2022, « soit une modeste augmentation par rapport aux 29,3 % de 2015 ».
ODD 14 : La vie aquatique marine
L’étude note avec inquiétude la poursuite de la pollution massive et mortifère de l’écosystème marin de l’Afrique par des polluants organiques et chimiques issus des activités humaines. Dans la foulée, le rapport 2022 sur les ODD préconise le renforcement des capacités institutionnelles pour faire appliquer les lois et les réglementations relatives à l’utilisation durable des ressources marines. La vie sous l’eau est une source importante de moyens de subsistance dans de nombreux pays africains, notamment les petits États insulaires en développement (PEID). La massive pollution des mers peut compromettre la vie de milliers de personnes dépendant de ces ressources.
ODD 15 : La vie terrestre
Sur cette question, le rapport fait état d’une perte de couverture forestière, de biodiversité et de dégradation des sols reste élevée et généralisée en Afrique. Comme cause, le rapport pointe du doigt la déforestation des terres pour l’agriculture et le pâturage, et les changements climatiques. Les données montrent que la dégradation des sols affecte 46 % des terres et 65 % de la population africaine, ce qui coûte 9,3 milliards de dollars par an à la région. Les auteurs de cette étude indiquent qu’il est « essentiel de multiplier les partenariats publics et privés afin de mobiliser et canaliser les fonds pour intensifier la gestion durable des terres, des forêts et de la biodiversité, en vue d’une reprise verte et résiliente ».
ODD 17 : Partenariats pour la réalisation des objectifs
Selon le rapport, le continent a peu progressé dans la mise en œuvre de l’ODD 17. La production de recettes intérieures et les flux d’investissements directs étrangers (IDE) de l’Afrique continuent de stagner par rapport aux autres régions. La gestion de la dette a été un défi pour les gouvernements africains, le service de la dette amputant des ressources en capital déjà rares pour le développement durable. Le rapport note qu’en 2020, l’Afrique a perdu près de 89 milliards de dollars, en raison des flux financiers illicites (IFF).
Pour faire progresser les ODD, le rapport suggère de renforcer la mobilisation des ressources domestiques et de réduire les flux financiers illicites. Il invite également les acteurs internationaux à soutenir le déploiement d’instruments financiers innovants, tels que les obligations vertes et bleues et les échanges dette-climat.
Dans la même cadence, Vincent O. Nmehielle, secrétaire général de la Banque africaine de développement martèle que : « Nous devons en faire plus, en tant que continent, pour obtenir de meilleurs résultats. Connaissant les défis à relever, il est important de faire une introspection et de trouver le moyen de mettre en œuvre des initiatives locales pour relever ces défis. Le partenariat entre la BAD, la CEA, la CUA et le PNUD est une plateforme idoine qui présente les défis que nos pays doivent relever ».
Les auteurs ajoutent également qu’afin de maintenir le cap sur l’atteinte des objectif, l’Afrique « doit favoriser la mobilisation des ressources et l’épargne nationales, et stimuler les TIC pour accélérer la mise en œuvre des ODD et de l’Agenda 2063 ».
Pour sa part, la secrétaire exécutive adjointe et cheffe économiste de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), Hanan Morsy « J’espère que les conclusions et les recommandations du Rapport 2022 sur les ODD en Afrique aideront les États membres à prendre des mesures urgentes pour accélérer la réalisation des ODD et de l’Agenda 2063 ».
Hamidou TRAORE (tr.hamidou@gmail.com)