Crise climatique oblige. Les appels à un financement conséquent et durable pour parer et atténuer les effets catastrophiques de cette crise –principalement- dans les pays vulnérables se font de plus en pressant. Le Sommet africain sur le climat qui s’est tenu du 4 au 6 septembre à Nairobi a offert une occasion unique pour mettre en branle des mesures indispensables pour aider les pays à faible revenu à poursuivre une croissance durable. Dans cette optique, le ministre des Finances du Ghana et président du V20, Ken Ofori-Atta décline une série de recommandation pour un financement climatique à la hauteur des défis.
C’est un secret de polichinelle pour les observateurs avertis. La situation climatique est particulièrement urgente en Afrique. Selon des estimations récentes de la Banque africaine de développement (BAD), le continent a besoin de 2,8 milliards de dollars de financement climatique entre 2020 et 2030. Malheureusement, l’Afrique ne reçoit actuellement que 3 % du financement climatique mondial, dont seulement 14 % proviennent du secteur privé. Pourtant, le continent représente 3,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), tandis que les pays du Nord sont responsables de 90 % des émissions.
Il est notoirement reconnu que les pays les plus vulnérables du monde subissent de plein fouet le poids d’une crise qu’ils n’ont pas créée. Pourtant, le financement climatique lié au développement a significativement diminué ainsi que l’aide globale au développement à l’Afrique. Selon le ministre ghanéen, les chiffres préliminaires de 2022 montrent que les flux d’aide publique au développement (APD) bilatérale des membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE vers l’Afrique ont totalisé 34 milliards de dollars l’an dernier, soit une baisse de 7,4 % en termes réels par rapport à 2021. Pendant ce temps, le total des actifs du marché privé sous gestion a bondi pour atteindre 11,7 milliards de dollars en 2022, après avoir augmenté à un taux annuel de près de 20 % depuis 2017.
Financer intégralement le « fonds pour les pertes et les préjudices »
Pour faire face conséquemment à la gravité et à l’urgence de la crise climatique, le président du V20, Ken Ofori-Atta indique que la communauté internationale « doit se mobiliser pour concevoir et convenir de solutions concrètes avant la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28) qui se tiendra à Dubaï en novembre ». « Pour renforcer la résilience face aux chocs climatiques inévitables, nous devons financer intégralement le « fonds pour les pertes et les préjudices » que les dirigeants mondiaux ont convenu d’établir lors de la COP27 de l’année dernière en Égypte, convenir de doubler le financement des efforts d’adaptation et appliquer le principe du « pollueur-payeur » aux activités maritimes », poursuit-il.
Pour réduire les émissions de GES et atténuer les pires effets du changement climatique, le président du V20 pense qu’il faille « mobiliser des ressources financières à une échelle sans précédent ». Pour se faire, il propose de se concentrer sur quelques « mesures essentielles » qui pourraient stimuler l’action climatique mondiale et contribuer à limiter le réchauffement climatique à l’objectif internationalement convenu de 1,5° Celsius.
Les recommandations du président du V20
Et parmi ces mesures, il appelle en premier lieu à s’attaquer au problème de la dette de l’Afrique. Pour lui, la communauté internationale doit soutenir les pays en développement vulnérables aux prises avec des crises de la dette et leur permettre d’investir dans l’adaptation au changement climatique, la résilience et le développement durable. Il ajouté que les pays développés et les institutions financières mondiales, en particulier les 550 membres de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, pourraient appuyer ces efforts en fournissant un financement concessionnel pour les politiques d’adaptation au changement climatique.
En second lieu, le président du V20, souligne que les efforts en cours pour réformer le système des banques multilatérales de développement, notamment l’initiative « Feuille de route pour l’évolution » de la Banque mondiale, pourraient permettre aux banques multilatérales de développement d’aider les pays en développement à la vitesse et à l’échelle nécessaires pour atteindre les objectifs mondiaux de développement et relever des défis tels que le changement climatique, l’accès à l’énergie et la préparation aux pandémies.
En troisième lieu, il pense que des investissements importants devraient être réorientés vers la transition verte, en mettant un accent particulier sur l’élargissement de l’accès des pays vulnérables au climat aux énergies renouvelables. À cette fin, les gouvernements africains pourraient lancer des programmes régionaux pour exploiter leurs ressources naturelles afin de produire de l’énergie propre.
Enfin, il note que l’Association internationale de développement, le mécanisme de prêts bonifiés de la Banque mondiale, est devenue un outil crucial capable de fournir le niveau de soutien dont l’Afrique a besoin. L’IDA est déjà la principale source de financement concessionnel de l’Afrique et les pays africains représentent 75 % des engagements de l’IDA, de 34,2 milliards de dollars – soit 25,8 milliards de dollars – au cours de l’exercice budgétaire se terminant le 30 juin 2023.
Une architecture financière réalisable
En guise de conclusion, Ken Ofori-Atta, signale que malgré les défis considérables, la mise en place d’une « nouvelle architecture financière mondiale prête pour le climat reste réalisable. En travaillant ensemble et en veillant à ce que tous les pays paient leur juste part, la communauté internationale pourrait combler les divisions politiques et réaliser des progrès tangibles vers un monde habitable. Mais pour ce faire, nous devons maintenir la dynamique actuelle jusqu’à ce que nous atteignions notre objectif : permettre aux pays vulnérables au climat de parvenir à une croissance durable et résiliente ».
En rappel, le groupe du V20 est né en octobre 20215. Il regroupe les pays les plus vulnérables au changement climatique. Il comprend notamment l’Afghanistan, le Bangladesh, la Barbade, le Bhoutan, le Costa Rica, l’Ethiopie, le Ghana, le Kenya, Kiribati, Madagascar, les Maldives, le Népal, les Philippines, le Rwanda, Sainte-Lucie, la Tanzanie, le Timor-Oriental, Tuvalu, Vanuatu et le Vietnam.
Hamidou TRAORE