Qui suis-je pour toujours suivre ?
Pour me contenter de survivre,
Loin de grands rêves à poursuivre,
Ces voyages grisants qui n’enivrent.
Qui suis-je pour ne pas voir cette lueur ?
Pour ne pas écouter cette voix intérieure,
Si intime qu’elle me fait avancer malgré heurts,
Avec une foi minorant erreurs, pleurs, peurs…
Qui suis-je pour m’autoriser une mue ?
Pour écouter mes sens qui me remuent,
Qui m’incitent à arborer de chics tenues,
À m’étoffer bellement et en continue,
Quitte à m’exposer aux déconvenues,
Qui, avec impertinence, jonchent rues.
Qui suis-je pour affronter l’inconfort,
De ces trottoirs qui bruitent fort,
De ces suées dégoulinant de l’effort,
Mais qui n’arrivent à enlaidir corps ?
M’élançant effrontément vers l’inconnu,
Qui tend des bras m’évitant déconvenues.
Je refuse de me contenter de paître,
Comme si je venais de naître ;
Je n’appartiens à ceux tenus en laisse,
Á ceux qui, mal se connaissent,
Á ceux pétrifiés derrière une fenêtre,
Comme sculptés dans du bois de hêtre,
Par des mains donnant du sens, s’exprimant,
Et une intelligence qui œuvre divinement ;
Devenant des objets, sans raisonnement,
Exsangues de sève, d’âme : triste figement.
Je suis de ceux qui reniflent le hêtre,
En avatar chevronné du garde-champêtre ;
Ce hêtre qui se dessèche car sans écorce,
Dépouillé subrepticement de sa vitale force,
Exhalant le besoin qu’un terrien l’amende,
Pour n’être réduit à une portion marchande.
Quand le hêtre perd ses aspérités naturelles,
Devenant aussi lisse qu’une feuille artificielle,
Un papier qui supportera les caprices d’airelles,
S’affalant impérieusement sur sa faille originelle,
Qui consiste en une pâleur candide, non rebelle ;
Soumis à une encre aussi goûteuse que tendancielle,
Devenant maculé et transformé en objet universel.
Quand les rondins sur des radeaux s’amoncellent,
Suivant le flot parfois trouble des eaux continuelles,
Qui se mêlent aux larmes qui, souvent, ruissellent ;
Quand solitude, peur, douleur et horreur s’emmêlent,
Sur les terres inconnues ou les mers du non-retour,
Seules de pieuses rives seraient d’un bon secours.
Et certainement des prières en dernier recours.
Je n’irai pas grossir ces forêts de hêtres,
Devenant meubles créés par souci de bien-être,
Issus de l’imaginaire de grands êtres,
Il faut bien par moment le reconnaître ;
Devenant fagots dans de cossues demeures,
Qui se consumeront durant des heures,
Noircissant l’intérieur des cheminées,
Dans une indifférence à durée indéterminée.
Et cette sueur qui n’éteint le feu…
Et les multiples plaintes entendues peu…
Á l’évidence se meurent des hêtres,
Transformés en tisons par des maîtres,
Une fois pénétré dans les cours à sceptre,
Irrémédiablement voués à devenir cendres,
Sans véritablement provoquer un esclandre,
Après expiration dans un souffle brûlant,
Illuminant alors gîtes au confort indolent.
Pendant que l’apathie côtoie la souffrance,
La chaleur de l’âtre endolorit la conscience,
Évacuant aux oubliettes la bien-pensance,
Le miracle de la vie apporte l’espérance.
Cendres aux pouvoirs de réincarnation,
Qui intrigue, interroge, impose fascination ;
Parce qu’aptes à nourrir terre et donc racines,
Á amender la vie qui s’élèvera vers cimes,
Rejoignant de bienveillants ancêtres,
Dont l’âme habite la nature, peut-être.
Le rêve cimente l’espoir, sans trêve.
Lorsque le hêtre prend le pas sur l’être,
Lorsque l’homme se décline en paraître,
Aux idées prêt-à-penser, il dit oui ;
Aux phrases toutes faites, il est tout ouïe ;
Pour les engins hypersoniques, il sort louis ;
À la stupide mode du moment, il suit.
Le hêtre adhère à tout ce qui épuise ;
Il est visiblement sous emprise ;
En gentilhomme ou nabab, il se déguise ;
Il paraît et se joue du monde à sa guise.
Tout ce qui aiguise son être gît aux remises.
Tandis que lui, s’enfonce dans la lise.
Qui suis-je pour oser être ?
Pour exhorter bonnement à être,
Le regard dépourvu de salpêtre,
Et des lignes qui dessinent des lettres,
Une calligraphie dans l’esprit du maître,
Invitant à être au risque de se démettre.
Osons cheminer vers le soleil,
Pour sa luminosité qui tire du sommeil,
Pour ses rayons qui tiennent en éveil,
Dardant nos sens endoloris sans écueil,
Nous invitant à ouvrir l’œil,
À devenir des initiés sans pareil.
Lumière salvatrice incitant à franchir seuil,
À aller au-delà de nos possibilités,
À percer l’opacité jusqu’à la visibilité.
J’aspire à cette réalité teintée de sacralité,
Appelant naturellement à la respectabilité.
Quand l’imaginaire est source de fertilité,
Quand la vision mène à la fécondité,
Quand l’œil s’émancipe mais sans cupidité,
Quand les méninges acquièrent vélocité,
Alors, apparaît l’être abouti en réalité.
Soyons, devenons, assumons notre vérité ;
Laissons-nous habiter par l’humaine beauté.
Beauté fugace, mais beauté endossée, culottée.
IsaS Lanoire