Depuis ce lundi 24 et jusqu’à mercredi 26 juillet, les représentants de plus de 160 pays sont réunis à Rome pour le sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires. Il se tient à une semaine après le retrait de la Russie de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, et la publication de plusieurs rapports alarmant sur la hausse de la faim dans le monde. Les défis de ce sommet sont donc énormes. Il s’agira de relever le défi de la sécurité alimentaire à travers le monde pour nourrir la terre et les hommes.
Ce sommet de Rome se tient dans un contexte de hausse de la faim induite par l’augmentation des prix, conflits et la crise climatique. Matthieu Brun, directeur scientifique de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) et chercheur associé à Sciences Po Bordeaux, affirme que l’insécurité alimentaire est repartie à la hausse ces cinq dernières années. La raison principale de l’augmentation de la faim dans le monde est avant tout économique : « Il y a eu la crise du Covid-19, la fermeture de frontières, des déplacements interdits, des enfants qui n’allaient plus à l’école et qui n’avaient plus accès à l’alimentation. Puis il y a une reprise économique très importante, avec des hausses de prix depuis les matières premières agricoles jusqu’à l’énergie, le bois, l’aluminium, etc. qui a augmenté les prix alimentaires. En matière de sécurité alimentaire, le premier défi, c’est celui de l’économie, c’est-à-dire avoir assez d’argent pour chaque jour, s’acheter à manger pour que ces 800 millions de personnes puissent au quotidien trouver une alimentation de qualité. »
Pour expliquer le fait que l’insécurité alimentaire devienne un enjeu plus pressant encore, Matthieu Brun pointe du doigt les crises et les conflits d’une part, les chocs climatiques d’autre part, mais aussi d’autres facteurs fondamentaux : « On parle de ce qui se passe en Ukraine, mais regardons aussi au niveau local les guerres au Soudan, le Yémen, l’Éthiopie, et tout ce qui peut malheureusement égrener le monde de conflits et de tensions au niveau local entre les individus et au niveau international. Pour produire et pour échanger, pour commercer, pour acheter de la nourriture, il faut le faire en paix. » Il évoque également des épisodes météorologiques violents : « Et puis, bien sûr, les chocs climatiques, on l’a vu au Pakistan l’année dernière. Cette année, en plus, avec la sécheresse en Méditerranée et ailleurs sur la planète, les chocs climatiques sont aussi des facteurs aggravants de ces de cette insécurité alimentaire ».
Les inégalités toujours criardes et facteurs aggravant
Pour Pauline Verrière, membre de l’ONG Action contre la faim, la hausse de l’insécurité alimentaire n’est pas un problème de production insuffisante mais bien d’inégalités : « On met beaucoup en avant l’argument la population mondiale qui augmente. Or, aujourd’hui, on produit suffisamment de nourriture pour nourrir la population. Si les gens n’ont pas accès à cette alimentation, c’est avant tout un problème de pauvreté et d’injustice économique à l’échelle planétaire ».
« On ne peut pas faire fi néanmoins de l’équation démographique », réplique Sébastien Abis, directeur du Club DEMETER et chercheur associé à l’IRIS, auteur de Géopolitique du blé (Armand Colin, 2015) et de Agriculture et alimentation, la durabilité à l’épreuve des faits (*IRIS éditions, 2023). Il observe que « Nous ne savons pas si nous allons pouvoir produire plus. Nous allons peut-être espérer pouvoir produire autant et en parallèle, avoir une dynamique démographique à suivre, parce qu’on gagne encore de la population dans la période dans laquelle nous nous situons aujourd’hui ». Il donne l’exemple de l’Inde « qui est devenu le pays le plus peuplé du monde. L’Inde, a gagné 370 millions d’habitants en 20 ans. C’est quasiment la population de l’Union Européenne. Il y a donc à la fois ce moteur démographique qui reste prégnant dans le raisonnement stratégique, les politiques publiques, l’innovation, il y a l’équation climatique qui complexifie encore plus la recherche de sécurité alimentaire, et en creux de tout cela, il y a effectivement les inégalités et les violences sociales autour de l’accès à l’alimentation, mais sans commune mesure avec les autres ».
En sus des résultats attendu de cette réunion exceptionnelle, on peut dire qu’elle a eu le mérite de poser sur la table une question fondamentale : Comment reformer un système alimentaire mondial « défaillant » ?.
Hamidou TRAORE