
Docteur Sylvain Ouedraogo, le seul gériatre que l'Etat refuse d'intégrer dans l'administration publique sanitaire
Le docteur Sylvain Ouedraogo est le seul gériatre opérant actuellement au Burkina Faso. Ayant constaté l’inexistence de spécialiste pour mieux s’occuper des personnes du troisième âge au Burkina Faso, il choisit de s’y spécialiser en France sur fonds propres. De retour dans son pays, l’administration publique ne montre aucun intérêt à l’intégrer dans le service public sanitaire. Condamnant ainsi plus d’un million de personnes du troisième âge à recevoir des soins au rabais.
« La vieillesse est une période de polypathologie », indique d’entrée de jeu le docteur Sylvain Ouedraogo pour dire que la vieillesse rime avec une flopée de maladie. Il ajoute qu’à cause du poids de l’âge cette catégorie sociale « cumule beaucoup de problèmes de santé, parce qu’en vieillissant presque tous les organes vont commencer à s’affaiblir. Donc en vieillissant, on additionne les problèmes de santé… ». Le seul gériatre précise que les plus fréquentes pathologies sont les problèmes de cœur, les problèmes d’arthrose, c’est-à-dire les douleurs de dos, aux épaules, des articulations ; les problèmes digestifs, car elles n’ont pas souvent l’appétit, ou sont fréquemment constipées à cause d’une alimentation non adaptée ; des problèmes respiratoires. Docteur Ouedraogo cite également les problèmes de dépression dont « souffre énormément un grand nombre de personnes âgées au Burkina ». Il signale que ces personnes font « plus de dépression que les jeunes » car dans la plupart du temps elles sont isolées et cela « pèse sur leur moral ». Outre, le gériatre ajoute un autre problème qu’il estime non moins important. C’est le problème de sexualité qui s’avère être « un souci pour les personnes du troisième âge ». Vieux comme vieilles en souffrent, selon le gériatre.

Malgré cette polypathologie et l’inexistence de spécialiste, l’administration publique ne manifeste aucun intérêt à intégrer celui qui est allé se faire former à ses propres frais en France. En effet, le docteur Sylvain Ouedraogo est le seul gériatre au Burkina Faso pour une population d’environ 1 million 23 000 personnes du troisième âge selon le dernier recensement de la population. Ayant constaté l’absence de gériatre et que la discipline n’existe même pas dans les curricula des enseignements en médecine dans les universités du Burkina, Sylvain Ouedraogo décide en 2014 de s’y spécialiser à ses propres frais en allant d’abord en Côte d’Ivoire, ensuite en France avec une bourse de l’Etat burkinabè. Après la formation, lui et une dame qui avait fait la même formation en France entrent pour servir leur pays le Burkina. Ils se heurtent à des problèmes d’intégration dans le service public sanitaire. La dame ne se casse pas la tête. Elle retourne en France pour faire valoir ses compétences. Le docteur Ouedraogo qui espérait que les choses s’arrangeraient commence à désespérer après avoir été victime d’une grave dépression. Il n’exclut plus retourner également en France même ailleurs où des opportunités l’attendent. Pour survivre, il vend ses services dans des formations sanitaires privées.
Par ailleurs, il est notoirement reconnu que le système sanitaire burkinabè s’illustre par un manque criard d’infrastructure adéquat pour assurer une bonne prise en charge des personnes du troisième âge. Un cadre du secteur de la santé rappelle que l’Etat avait prévu depuis 2012, la construction d’un Centre de gériatrie. Et ce n’est qu’en 2019 que le projet a démarré et devrait être livré en neuf mois. Jusqu’à nos jours, ce centre n’est pas achevé. Le docteur spécialiste de la santé des personnes âgées regrette l’absence d’un centre gériatrique qui faciliterait une meilleure prise en charge des papis et des mamis qui sont assaillis par plusieurs maladies. C’est une violation des droits humains qui leur sont reconnu.
Hamidou TRAORE