Lorsque l’histoire jugera les responsables de l’invasion de l’Irak en 2003, un nom se détachera immanquablement : Dick Cheney, vice-président des États-Unis sous George W. Bush. Si la figure publique de cette guerre fut le président Bush lui-même, le véritable stratège, l’homme des rouages et des décisions obscures, fut Cheney. Son influence, sa vision du pouvoir et sa proximité avec le complexe militaro-industriel ont façonné non seulement la guerre, mais aussi le désordre mondial qui en découla. Dick Cheney est l’architecte de l’ombre et l’onde de choc mondiale de la guerre en Irak.
L’ingénierie politique de la guerre contre l’Irak
Avant même les attentats du 11 septembre 2001, Cheney, ancien secrétaire à la Défense et ex-PDG de la société pétrolière Halliburton, voyait l’Irak comme une opportunité stratégique. Dès 1998, il faisait partie du Project for the New American Century (PNAC), un think tank néoconservateur prônant un renforcement de la domination militaire américaine et un changement de régime à Bagdad.
Après le 11 septembre, Cheney saisit l’occasion de transformer un traumatisme national en justification géopolitique. Sous son influence, l’administration Bush fit de l’Irak un maillon supposé du « axe du mal », en martelant des arguments fallacieux : armes de destruction massive, liens avec Al-Qaïda, menace imminente. La manipulation de renseignements et la pression exercée sur la CIA et le Pentagone furent au cœur de cette mécanique. L’opinion publique fut préparée à une guerre déjà décidée.
Une guerre privatisée et lucrative
L’empreinte de Cheney se voit aussi dans la privatisation de la guerre. Halliburton, son ancienne entreprise, obtint des contrats colossaux pour la logistique militaire et la reconstruction irakienne, souvent sans appel d’offres. Ce mélange d’intérêts économiques et politiques incarne ce que certains analystes appellent le « capitalisme du chaos » : une guerre conçue comme un marché.
L’effet boomerang : la fragmentation du Moyen-Orient et la mondialisation du terrorisme
L’invasion de 2003 a détruit les structures de l’État irakien et plongé le pays dans le chaos. Le démantèlement de l’armée baasiste, orchestré par l’administration d’occupation, a poussé des milliers d’anciens soldats dans la clandestinité. Ces mêmes réseaux formeront le noyau de Daech une décennie plus tard.
Le vide de pouvoir irakien a ravivé les tensions sunnites-chiites, déstabilisé la région et offert un terreau fertile à la radicalisation. De Mossoul à Paris, de Kaboul à Londres, les répercussions se sont internationalisées. La guerre voulue par Cheney a contribué à l’extension géographique et idéologique du terrorisme, en transformant une lutte contre un ennemi localisé (Al-Qaïda) en un phénomène global.
L’héritage Cheney : entre cynisme et déni
Jamais jugé, rarement remis en cause dans son pays, Dick Cheney reste pour beaucoup un symbole du cynisme d’État. Il incarne la dérive d’une démocratie prête à sacrifier la vérité, la légalité internationale et les droits humains au nom de la sécurité.
Mais l’histoire, elle, ne l’a pas oublié. L’invasion de l’Irak n’a pas apporté la démocratie, mais une instabilité chronique dont le monde paie encore le prix : guerres civiles, exodes massifs, attentats internationaux et perte de crédibilité des institutions occidentales.
En somme, Dick Cheney n’a pas seulement influencé une guerre : il a contribué à redessiner un monde plus dangereux. L’Irak fut son œuvre, mais le désordre mondial qui en découla reste son véritable héritage.
Dick Cheney est mort ce 3 novembre 2025 à Wilson (Wyoming) suite à des complications liées à une pneumonie et des maladies cardiaques et vasculaires.
Hamid. Journaliste
