Par Hamidou TRAORE
Alors que notre planète continue de souffrir du brasier climatique, provoquant des catastrophes dévastatrices, une nouvelle étude publiée ce 6 octobre 2025 par Oxfam et le CARE (Climate Justice Centre) dévoile une réalité accablante : les deux tiers des financements climatiques destinés aux pays en développement sont accordés sous forme de prêts et non comme des subventions pour les aider à mettre en œuvre les mesures d’adaptation. Pire encore, pour chaque 5 dollars reçus, ces pays qui souffrent plus des conséquences dévastatrices de la crise climatique, en remboursent 7, enrichissant au passage les pays créanciers, au premier rang desquels figurent la France, le Japon et l’Italie.
Le rapport met en lumière une vérité troublante : le financement climatique, censé aider les pays les plus vulnérables à faire face à une crise qu’ils n’ont pas causée, devient une machine à profits pour les pays développés, principaux auteurs de la crise climatique mondialisée. Et pendant ce temps, les pays du sud qui subissent plus les impacts de la crise climatique s’enlisent dans l’endettement.
Des chiffres qui donnent le tournis
Les pays riches affirment avoir mobilisé 116 milliards de dollars pour le climat jusqu’à l’année 2022. Mais selon les calculs d’Oxfam et CARE, la valeur réelle des financements ne dépasse pas 28 à 35 milliards de dollars, soit moins d’un tiers du montant promis.
Parmi les sommes effectivement versées, près de 65 % sont des prêts, souvent assortis de taux d’intérêt peu ou pas concessionnels. Résultat : les remboursements explosent. En 2022, les pays en développement ont reçu 62 milliards de dollars de prêts climatiques, mais devraient rembourser jusqu’à 88 milliards de dollars, générant ainsi un profit de 42 % pour les bailleurs.
« Les pays riches considèrent la crise climatique comme une opportunité commerciale, et non comme une obligation morale », dénonce Nafkote Dabi, responsable de la politique climatique chez Oxfam. « Ils prêtent de l’argent aux populations mêmes qu’ils ont historiquement lésées, enfermant les nations vulnérables dans un cycle d’endettement. C’est une forme de spéculation sur la crise. »
Une aide qui n’atteint pas les plus vulnérables
Les déséquilibres ne s’arrêtent pas là. Les pays les moins avancés n’ont reçu que 19,5 % des financements publics pour le climat sur la période 2021-2022, et les petits États insulaires, pourtant en première ligne, à peine 2,9 %. La moitié de ces financements étaient également des prêts.
Le financement de l’adaptation pourtant crucial face aux catastrophes climatiques, est largement négligé, ne bénéficiant que 33 % des financements climatiques totaux. Les investisseurs privilégient les projets d’atténuation, jugés plus rentables à court terme pour eux.
Par ailleurs, seuls 3 % des financements visent spécifiquement à promouvoir l’égalité des sexes, alors que les femmes et les filles sont les premières touchées par les effets du changement climatique.
L’aide étrangère en chute libre
Cette crise du financement climatique intervient dans un contexte de réduction massive de l’aide publique au développement. En 2024, les pays riches ont réduit leur aide étrangère de 9 %, et les prévisions pour 2025 annoncent des baisses supplémentaires allant de 9 à 17 %. Il s’agit des coupes les plus importantes depuis les années 1960.
« Les pays riches échouent en matière de financement climatique et n’ont aucun plan pour honorer leurs engagements », alerte John Norbo, conseiller climat chez CARE Danemark. « En réalité, ils réduisent leur aide, laissant les plus pauvres en payer le prix, parfois au prix de leur vie. »
Pendant ce temps, la crise climatique s’aggrave
En 2024, les catastrophes liées au climat ont déplacé des millions de personnes en Afrique de l’Est, touché 13 millions de personnes aux Philippines, et inondé 600 000 personnes au Brésil. Face à ces impacts, les ressources manquent cruellement pour l’adaptation et les reconstructions.
Les pays en développement sont désormais pris au piège : confrontés à des chocs climatiques plus fréquents et plus intenses, ils doivent s’endetter pour y faire face, tout en remboursant des prêts colossaux contractés pour gérer… ces mêmes chocs.

Ce que réclament Oxfam et CARE à la veille de la COP30
À quelques semaines de la COP30 à Belém, Oxfam et CARE appellent les pays riches à rompre avec une logique de profit au détriment des plus vulnérables et à rendre justice climatique. Leurs principales revendications :
- Respecter les engagements financiers : fournir les 600 milliards de dollars promis pour 2020-2025 et définir une trajectoire claire vers les 1 300 milliards de dollars par an.
- Mettre fin aux profits sur le dos de la crise : augmenter la part de subventions et de financements concessionnels pour alléger le fardeau de la dette.
- Tripler le financement de l’adaptation d’ici 2030, en s’appuyant sur l’objectif de doublement fixé à la COP26.
- Financer correctement les pertes et dommages à travers le Fonds mondial crée à cet effet.
- Mobiliser de nouvelles sources de financement, en taxant les ultra-riches (1 200 milliards $/an) et les bénéfices excessifs des industries fossiles (400 milliards $/an).
Hamidou TRAORE
