Le Programme Intégré de Développement et d’Adaptation au Changement Climatique dans le Bassin du Niger (PIDACC/BN) est un projet de sauvegarde des ressources naturelles et de développement axé sur le mieux-être des populations, mis en branle depuis 2019 dans les neuf pays (dont le Burkina Faso) que compose le Bassin du Niger. Madame Siri/Ira Fatimata Flore, Coordonnatrice nationale du PIDACC/BN Burkina, la seule dame à la tête de ce programme sur les neuf pays concernés expose les hauts faits et les difficultés.
Afrique Durable : Qu’est-ce qui a suscité la naissance du PIDACC/BN ?
Siri/Ira Fatimata Flore : Tout est parti du constat que les moyens de subsistance des populations sont exposés aux changements climatiques. C’est notamment le cas des ressources naturelles du bassin du fleuve Niger communément appelé le Djoliba. Ce bassin fait partie des ressources les plus vulnérables et les conséquences sont entre autres l’érosion, la dégradation des ressources naturelles, la pauvreté, l’insécurité, la migration, etc. C’est dans ce contexte que le programme PIDACC a été initié par l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) avec les neuf (09) pays membres dont le Burkina Faso. Ce programme a vu le jour grâce à l’appui technique et financier de la Banque africaine de Développement (BAD) avec ses partenaires que sont l’Union Européenne, le Fonds vert pour le climat, le Fonds pour l’environnement mondial. Il s’agit par exemple pour le cas spécifique du Burkina Faso comme d’ailleurs dans les autres huit autres pays de réaliser des activités en vue de minimiser les impacts des changements climatiques sur les ressources en eau ainsi que sur les autres moyens de subsistance des populations ; de renforcer la résilience des populations vivant dans le bassin.
Quelle est la partie du Burkina qui est concerné par la réalisation de vos activités ?
Le programme intervient dans la portion nationale du Bassin du Niger. Six régions sont concernées. Ce sont le Sahel, le Centre-Nord, le Centre-Est, les Haut-bassins, le Plateau Central et la région de l’Est. En plus de ces zones, nous avons pour mission de consolider les acquis du programme d’investissement forestier dans deux régions que sont la Boucle du Mouhoun et le Centre-ouest. Permettez-moi de rappeler que le coût global au niveau du Burkina Faso s’élève à environ neuf milliards de F CFA pour une durée de six ans.
Qu’est-ce qui peut faire la spécificité du PIDACC ?
Il faut dire que le PIDACC est un programme multi-bailleur, multi-secteur et multi-national puisqu’il intervient dans neuf pays. Et le PIDACC prend en compte toutes les dimensions du développement rural. Du développement de façon générale. Nous avons trois composantes dans le cadre du PIDACC que sont la résilience des écosystèmes et des ressources naturelles ; la résilience des populations ; enfin la gestion et l’organisation du projet. Donc nous visons l’amélioration et le renforcement des moyens de subsistance des populations, nous visons également la réduction des effets des changements climatiques sur les ressources naturelles à travers la réduction des phénomènes comme l’ensablement, nous visons également le renforcement de la gestion partagée et durable des ressources naturelles.
Nous faisons recours dans notre démarche, à une approche globale, qui est une approche participative et inclusive. Une approche également basée sur la concentration des activités dans les zones qui abritent des infrastructures. A ce niveau nous avons identifié 15 communes de concentration des activités dans quatre régions (Centre Est, Centre Nord l’Est et le Sahel) parce que ces communes doivent bénéficier des barrages avec des périmètres irrigués et des boulis pastoraux. Les autres régions ne sont pas délaissées. Nous y menons des actions de gestion durable des terres et de renforcement de capacité des populations.
Nous avons aussi des approches spécifiques comme des approches CES/DRS dont les activités sont réalisées sous forme de sous projet. Les sous projets sur le terrain sont identifiés, formulés et mis en œuvre par les populations elles-mêmes avec l’accompagnement des services techniques déconcentrés du secteur notamment des services de l’environnement. En d’autres termes, les populations à la base identifient elles-mêmes et expriment leurs besoins en aménagement pour la mise en œuvre de ces sous projets. Ils sont mis en œuvre à travers des travaux communautaires et le programme les appuie par des subventions financières.
Nous avons également l’approche jeunes qui consiste à accompagner les jeunes sans emploi de passer d’une idée à la phase de création d’entreprise. Ce volet sera bientôt mis en branle. car la migration est véritablement une conséquence des changements climatiques sur les ressources naturelles. Pour corriger cela, il fallait des actions fortes de ce genre.
Nous avons également l’approche genre, ici des cibles ont été définies nous avons 50% des jeunes et 50% de femmes pour les renforcements de capacité et 30% pour l’accès au investissements. Les neuf (09) petites et moyennes entreprises à créer sont orientées vers les jeunes filles et les jeunes garçons. On a aussi une approche développement des chaines de valeur où des filières porteuses sont identifiées par des experts et nous devrons accompagner les populations pour développer les différents maillons de ces filières porteuses. Il s’agit des maillons de la production, de la transformation et de la commercialisation. L’année dernière, nous avons commencé par la production en procédant à l’acquisition de plus de 19 t semences améliorées de riz au profit de neuf groupements au niveau des quatre régions de concentration du projet.
En somme, Ce sont véritablement les populations qui décident et nous les accompagnons c’est une façon de les responsabiliser. Nous informons la population de l’offre et elle élabore et exprime ses besoins et nous les accompagnons. Il y a des comités locaux d’approbation, de validation et de suivi de projet. C’est le gouverneur qui est le président de ces comités. Nous soumettons à validation et après cette validation, nous élaborons des conventions avec ces populations et les accompagnons avec les ressources qu’il faut pour mettre en œuvre leur projet bien sûr avec un œil extérieur pour suivre les travaux sur le terrain.
Comment faites-vous pour vous assurer que les activités se déroulent bien sur le terrain ?
Pour la bonne marche des activités prévues, il y a un suivi qui est fait. En effet, nous signons un protocole avec la direction des eaux et forêts des zones d’intervention où nous avons des points focaux qui accompagnent les populations de la conception à la réalisation des travaux de protection des ressources naturelles. Il y a aussi un suivi qui est fait au niveau du projet notamment par l’équipe du projet qui a pour rôle de suivre aussi les activités sur le terrain. Des aspects genre sont également pris en compte sur le terrain.
La Direction Générale des Ressources en Eau en tant que Structure focale nationale de lABN qui assure la Coordination stratégique a un devoir de regard sur les activités du projet.
Les Comités régionaux d’approbation et de suivi, le ministère tutelle technique et les ministères partenaires, l’ABN et le partenaire technique et financiers sont également des acteurs clé de suivi des actions à mener par le projet,
Quelles sont les difficultés que le programme a rencontrées dans sa mise en œuvre ?
La principale difficulté est liée à l’insécurité car la majeure partie des zones d’intervention du PIDACC sont dans les espaces transfrontaliers où sévissent les groupes armés. Il nous appartient de trouver des stratégies pour travailler dans ces localités. C’est difficile, mais nous souhaitons que cette question soit réglée le plus rapidement possible pour que nous puissions accéder à toutes les localités pour combler les attentes de tous les bénéficiaires. Pour le moment, nous avons choisi des localités pour dérouler le projet en attendant l’amélioration de la situation dans les autres localités. L’autre difficulté majeure est le problème lié à l’accessibilité à l’eau. Nous sommes dans un contexte de changement climatique et il y a beaucoup de poches de sécheresse, l’année passée malgré la mise à disposition des semences améliorées, il y a des zones où le rendement n’a pas atteint les objectifs que nous espérions. Si cette question effectivement n’est pas réglée, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs. Nous sommes vraiment en réflexion pour trouver des solutions afin d’améliorer la disponibilité en eau au niveau de ces populations. C’est vrai que dans le cadre du programme de façon globale, nous réalisons des boulis et réhabilitons des barrages mais pas sur les sites individuels. Donc ce n’est pas suffisant. Au moment de l’élaboration du projet, on a prévu réaliser 16 boulis plus quatre barrages pour 68 communes. Nous avons pu constater dans la pratique que ce nombre ne peut pas être suffisant. Un besoin en accompagnement pour mobiliser plus de ressources en eau s’impose au projet. Nous souhaitons avoir le soutien d’autres acteurs car le PIDACC à lui seul ne pourra réaliser à 100% le développement d’une localité.
Par ailleurs, des utilisateurs du biodigesteurs évoquent certaines difficultés comme le manque de malaxeur pour le malaxage de la bouse de vache et de l’eau. Des réflexions sont en cours pour améliorer notre intervention après cette première phase de mise en œuvre en collaboration avec le PNB/BF. Mais d’ores et déjà des conseils pratiques ont été donnés aux bénéficiaires pour utiliser des gants lors du malaxage afin d’éviter des cas de blessures minimes soient elles. Le Fonds vert pour le climat qui n’a pas été disponible à temps, beaucoup d’activités n’ont pu être réalisées dans les délais prévus. Dieu merci, les choses avancent positivement de ce côté.
Malgré ces difficultés surtout sécuritaires, vous continuez de travailler !
Pour ne pas rester les bras croisés, nous avons identifié des zones où l’accès est relativement facile. Nous accentuons nos efforts sur ces localités tout en souhaitant ardemment que la question sécuritaire prendra rapidement fin afin que nous puissions déployer nos actions sur l’étendue de nos zones d’intervention.
Quel bilan pouvez-vous dresser à l’état actuel du déroulement du programme ?
On peut se féliciter du fait qu’au niveau du PIDACC Burkina, il y a des réalisations palpables. Par exemple au niveau de la composante Résilience des écosystèmes et des ressources naturelles, nous avons aidé à planter plus de 160 000 plants de plusieurs variétés sur une superficie d’environ 900 hectares par les populations des régions du Sahel, des Hauts-Bassins, de la Boucle du Mouhoun, du centre Est , du Centre Ouest et du Centre-Nord. Aussi plus de 370 ha de terres dégradées ont été restaurés dans le Sahel et le centre Nord et 76 ha de dunes fixées au Sahel. Pour ce qui est de l’incitation à l’utilisation des biodigesteurs, nous avons signé un protocole avec le Programme national Biodigesteur et qui a bien voulu nous accompagner avec leur expertise pour la réalisation de 250 biodigesteurs que nous avons prévue dans le cadre du projet. Ainsi, nous avons lancé la réalisation de 100 biodigesteurs dans les régions du centre-ouest et de la Boucle du Mouhoun, principalement autour des forêts classées. C’est un bon moyen pour protéger les forêts. Un seul biodigesteur peut à lui seul protéger selon les études 0, 33 hectare de forêt par an. Et il permet de séquestrer annuellement quatre tonnes de carbone et permet aussi la réduction l’usage du bois de chauffe à environ 6,7 tonnes. Ce qui a un impact certain dans la protection des forêts dans le cadre de la REDD+. L’impact est visible non pas seulement sur le plan environnement mais également sur le plan social. Le biodigesteur aide énormément les femmes car elles n’ont plus à faire des kilomètres pour aller chercher des bois de chauffe. Il est source d’énergie, donc sert d’éclairage pour les élèves. Il facilite l’élevage, car produit des aliments pour la volaille. Il produit de la fumure à moindre coût qui améliore le rendement agricole d’où contribue à la sécurité alimentaire, etc.
Pour le renforcement de la résilience des populations, des acquisitions en semences et équipements ont également été faites pour accompagner les producteurs dans leurs activités de productions agropastorales et halieutiques.
Des études de réalisation des infrastructures à buts multiples tant attendues, sont en phase de démarrage.
Vous êtes la seule dame à conduire le programme parmi les neuf Etats de l’ABN. Nonobstant des difficultés évoquées comme l’insécurité et dans une vue globale, on estime que le PIDACC Burkina que vous conduisez réussi des exploits. D’aucuns saluent votre dynamisme. Peut-on estimer que le choix de votre personne n’a pas été fortuit ou quel est votre secret ?
C’est à l’honneur de toutes les femmes qu’on dise que le PIDACC/BN Burkina dirigé par une dame est en avance. Je mets ceci sur le compte du dynamisme de toute l’équipe du projet et de la bonne collaboration avec nos partenaires. C’est aussi à l’honneur des Burkinabè reconnus comme de braves travailleurs un héritage de nos ancêtres un héritage du Président Thomas SANKARA.
Certes la tâche n’est pas aisée tous les jours, cependant en tant que femme nous nous donnons les moyens pour obtenir des résultats.
Quelles sont vos attentes ?
En termes d’attentes, nous souhaiterions développer notre résilience face à l’insécurité croissante, en toute synergie avec nos différents partenaires pour combler les besoins des populations. Donc d’accompagner ces dernières vers un développement socioéconomique palpable et durable.
Merci madame !
Interview réalisée par Hamidou TRAORE