Après d’âpres et longues négociations ayant même débordé le calendrier prévu, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (la COP 27) tenue à Sharm-el-Sheikh, Egypte, s’est clôturée au petit matin de ce dimanche 20 novembre. La question du financement des conséquences irréversibles du changement climatique a cristallisé les tensions. En effet, un texte très disputé portant sur la mise en place d’un fonds destiné à aider les pays pauvres affectés par la crise climatique a fini par être adopté, à la grande satisfaction de l’ensemble des délégués des pays du sud. Les pays du nord font mine de déception du fait du manque d’engagement ambitieux pour la baisse des émissions des gaz à effet de serre, cause principale du réchauffement climatique.
Ouvert depuis le 06 novembre, la clôture de cette 27e COP qui était officiellement prévue pour ce vendredi 18 novembre, s’est finalement faite ce dimanche 20 novembre, faisant d’elle l’une des plus longues de l’histoire. Une prolongation qui témoigne des difficultés pour les négociateurs de trouver un accord. En effet, les pays du sud, moins responsables de la crise climatique mondialisée mais qui subissent le plus durement les conséquences funestes de cette crise, tenaient mordicus à la mise en place d’un fonds en guise de réparation des « pertes et préjudices » dont ils sont victimes. Ils sont en effet les principales victimes des sécheresses, inondations ou l’aridification, désertification, famines, migrations massives, cyclones, déplacement massif des populations, ouragans etc, alors qu’ils ont le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre. Tout un continent comme l’Afrique est reconnu responsable d’une émission de seulement 4% de gaz à effet de serre. Les pays du sud signalent que les impacts du dérèglement climatique causé par ceux du nord leur causent d’énormes pertes humaines et économiques, aggravent leur dette et entravent leur développement.
Les Nations unies reconnaissent que les catastrophes liées aux conditions climatiques et météorologiques extrêmes -qui ont toujours existées-, se font « de plus en plus récurrentes et intenses à mesure que le monde se réchauffe ». Aucun continent n’est malheureusement à l’abri des désastres climatiques. Elle signale qu’« aujourd’hui, 90 % des catastrophes sont liées aux conditions météorologiques et climatiques. Les pertes engendrées pour l’économie mondiale s’élèvent à 520 milliards de dollars chaque année et 26 millions de personnes sombrent dans la pauvreté ». L’organisation mondiale met ainsi en évidence le lien entre les catastrophes liées aux conditions climatiques et des pertes économiques considérables.
Face aux pollueurs historiques que sont les pays du nord, qui ont bâti leur développement par l’usage massif des énergies fossiles, -qui a entrainé le réchauffement sans précédent du climat de la planète-, les délégations du sud ont dans un premier réussi l’exploit d’inscrire la création de ce fonds à l’ordre du jour. Ensuite, ils ont tenu à ce qu’un accord avec ces principaux responsables du réchauffement climatique soit conclu.
Des soutiens de poids aux pays vulnérables
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, à sa prise de parole dès les premières heures de la COP a appelé les pays riches à faire plus pour aider les pays les plus vulnérables à faire face aux « pertes et dommages » déjà subis en raison des inondations, tempêtes, sécheresses et autres événements extrêmes qui se multiplient. Le président français Emmanuel Macron embouche la même trompette, le lundi 07 novembre, lors d’un échange à Sharm el-Sheikh avec des jeunes africains et français engagés pour le climat, en assurant vouloir « mettre la pression » sur les « pays riches non européens », et notamment les Etats-Unis et la Chine, pour qu’ils payent leur «part» pour aider les pays pauvres face au changement climatique. « Il faut qu’on ait les Etats-Unis et la Chine qui soient vraiment au rendez-vous », en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de solidarité financière, a-t-il dit.
Le président américain Joe Biden qui ne s’était pas présent lundi et mardi lors du sommet réunissant les chefs d’Etat – pour cause de midterms -, s’est rattrapé ce vendredi 11 novembre en se présentant à la tribune de la COP 27 au cours d’une brève escale. S’il a été prolixe sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre en appelant tous les pays à relever leur « ambition » en la matière pour une baisse conséquente de ces émissions, il a par contre été quasi-aphone sur la question des « pertes et dommages ». Le représentant du pays en première ligne du dérèglement climatique a, en effet, fait montre d’une grande prudence sur l’insuffisance de l’aide destinée aux pays pauvres. Rappelons que Washington n’a jusque-là toujours pas tenu ses engagements dans le cadre de la promesse des pays riches de fournir 100 milliards de dollars de financements par an aux plus pauvres, pour lutter contre les émissions et s’adapter au changement climatique. Cependant, Joe Biden a, dans la foulée, réitéré son engagement sur une contribution de 11,4 milliards de dollars. Mieux, il a promis 150 millions pour des projets d’adaptation en Afrique, tout en se gardant de mentionner les « pertes et dommages ».
Les militants écolos… clamaient la « justice climatique »
L’un des faits marquants de cette COP est la manifestation quotidienne des militants écologiques venus des quatre coins du monde. Ils sont africains, européens, asiatiques, américains. Jeunes, vieux, hommes et femmes. Ils se sont mobilisés pour prendre part à la 27e COP à leur manière. Ils ont choisi un endroit assez stratégique qui est l’entrée principale des pavillons où se mènent les débats pour tenir chaque jour, dès les premières heures de la journée leur manifestation. Ce qui permet de forcer l’attention de toutes les délégations venues prendre part aux négociations. Les manifestants tiennent à tour de rôle des discours incisifs contre le financement des énergies fossiles qu’ils accusent d’être le principal responsable de la crise climatique que connait le monde. Les discours sont entrecoupés par des chants aussi revendicatifs. Ainsi l’un d’eux entonne : « What do we want ? (Que exigeons nous ?ndlr», la foule répond : « climat justice ! (la justice climatique» ; « When ? (quand?», demande à nouveau la voix et les autres de répondre en chœurs : « Now, now (maintenat, maintenant)». Les manifestants tiennent également des pancartes sur lesquelles on peut lire la substance des discours : « Stop funding fossil fuel (Arrêtez de financer les combustibles fossiles ndlr) ; « Pay for loss and damage now (Payez maintenant pour les pertes et les dommages) » ; Declare a climate emergency end fossil fuels, (Déclarer l’urgence climatique Mettre fin aux combustibles fossiles) » ; « Reparations now, (Réparation maintenant) ». Les manifestants font preuve d’ingéniosité pour faire passer leur message. Ce vendredi 11 novembre matin, pendant que les autres débitaient les chants et discours, un vieux s’est couché, raid comme s’il était mort pour signifier l’urgence et la dangerosité de la situation. Aucune délégation ne passe sans que leur attention ne soit attirée par leur manifestation. Journalistes et autres participants se bousculent pour filmer ou prendre des photos.
Pertes et dommages : 300 millions de dollars proposés, 580 milliards nécessaires
Le vice-ministre de l’environnement hondurien, Malcom Stufkens, indiquait que le financement des conséquences irréversibles induite par la crise climatique conditionnerait la réussite ou non du sommet. Une dizaine de pays (notamment l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la France, l’Écosse, l’Irlande, …) se sont engagés à verser 300 millions de dollars pour dédommager les pays vulnérables. Mais pour le ministre hondurien, « il y a un problème d’échelle. Nos besoins en termes de pertes et dommages devraient atteindre 580 milliards de dollars par an d’ici 2030 et 1 700 milliards de dollars d’ici 2050. » D’aucuns pensent que les engagements pour 300 millions paraissent d’autant plus dérisoires qu’à l’exception de la France et de l’Autriche, il ne s’agit pas de nouveaux financements mais d’une redirection de fonds déjà prévus. « Les gouvernements se contentent de déshabiller Pierre pour habiller Paul », a dénoncé Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de Care France.
Satisfaction et déceptions se côtoient !
Deux grands sentiments cristallisent cette COP27. D’une part, la satisfaction pour le financement des « pertes et dommages » et déception pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Des observateurs affirment que les 196 pays ont marqué une avancée historique sur l’enjeu crucial de la COP : la création d’un fonds pour les « pertes et dommages », afin d’aider financièrement les pays en développement « particulièrement vulnérables » à faire face à ces dégâts irréversibles causés par le réchauffement climatique. Cette décision, accueillie par des applaudissements nourris, est l’aboutissement d’une demande que les pays du Sud portent depuis trente ans.
« La COP27 a fait ce qu’aucune autre COP n’avait réalisé », se félicite Mohamed Adow, directeur exécutif de l’organisation non gouvernementale (ONG) Power Shift Africa. « Cette question n’était même pas à l’ordre du jour au début des négociations, et aujourd’hui nous entrons dans l’histoire, loue-t-il. Cela montre que le processus des Nations unies peut donner des résultats et que le monde peut reconnaître le sort des personnes vulnérables. » ajoute-il.
De l’autre côté, la déception ne se cache pas principalement sur la question des émissions du CO2. « Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant, et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu », a regretté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, à la clôture de cette 27e COP. Dans la foulée, l’Union européenne s’est dite également « déçue » par l’accord sur les émissions.
Hamidou TRAORE (De retour de Sharm-el-Sheikh)
tr.hamidou@gmail.com