
La direction de CERA-FP
Le Centre d’Etudes et de Recherche Appliquée en Finances Publiques (CERA-FP) a livré ce jeudi 15 décembre 2022, à Ouagadougou, le contenu de sa lecture du budget 2023. Les secteurs sociaux ont occupé une place de choix dans cette étude.
C’est Hermann Doanio Economiste, expert en finances publiques et Secrétaire exécutif du CERA-FP qui a présenté l’étude devant un public issu de l’administration publique, de la société civile et même des représentants d’institutions financières régionale (africaine). L’étude a eu le mérite de passer au peigne fin tous les secteurs qui focalisent l’attention des Burkinabè. Le secrétaire exécutif a, dans un premier présenté les sept priorités du budget 2023. Il s’agit de la lutte contre le terrorisme, restaurer l’intégrité du territoire national et assurer la sécurité dans une dynamique progressive et de consolidation ; d’apporter une réponse efficace et urgente aux drames socioéconomiques ; renforcer la gouvernance, lutter contre la corruption et les infractions connexes ; assainir et refonder la vie publique en la débarrassant des vices et pratiques contraires aux valeurs et principes républicains ; assurer un retour à une vie démocratique portée par une nouvelle république au service des idéaux et aspirations profondes du peuple ; œuvrer à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale.
Ces priorités sont tirées des quatre axes de l’Agenda de la Transition que sont : Lutter contre le terrorisme et restaurer l’intégrité du territoire ; répondre à la crise humanitaire ; refonder l’État et améliorer la gouvernance ; œuvrer à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale.

L’analyse des allocations des secteurs de priorité du budget de l’État, exercice 2023 s’est appesantie sur ces quatre grandes priorités de la Transition. Les dépenses consacrées à ces priorités sont estimées à 894,693 milliards de FCFA, représentant 27,65% des dépenses budgétaires de l’année 2023. Hermann Doanio affirme que que la désagrégation de ces dépenses selon les priorités indique que la priorité « Sécurité et Défense » va absorber environ 690,282 milliards de FCFA soit 21,33% des dépenses totales. Il ajoute que la « Réponse à la crise humanitaire », conséquence directe de l’insécurité recevra environ 161,955 milliards de FCFA du budget soit 5% des dépenses totales. La « Refondation de l’Etat » et la « Réconciliation nationale » seront dotées respectivement de 34,555 milliards de FCFA (1,07%) et 7,899 milliards de FCFA (0,24%).
Le présentateur déduit de ces chiffres qu’il est évident qu’en 2023 le Gouvernement compte « intensifier les actions de reconquête et de sécurisation du territoire. Aussi, une attention particulière sera accordée à l’atténuation des effets socio-économiques néfastes induits par la crise sécuritaire. Les questions de refondation et de réconciliation nationale semblent être moins urgentes, donc moins adressées en termes de choix budgétaires ».
L’économistes a relevé le manque d’affirmation de la souveraineté et de l’indépendance de l’Etat vis-à-vis de l’extérieur ». Car cela ne semble pas être « traduite concrètement dans le budget 2023 ». Pourtant, « la souveraineté et l’indépendance sont une demande forte des populations, en particulier la jeunesse », a-t-il déploré.
Les secteurs sociaux de base
Il ressort de l’étude que les allocations budgétaires des secteurs sociaux de base (santé, éducation, secteur rural, réduction du coût de la vie, droits humains) sont évaluées à 1 372,277 milliards de FCFA soit 42,41% du budget 2023. La décomposition par secteur montre que le secteur de la santé dans son ensemble va bénéficier de 309,125 milliards de FCFA représentant 9,55% du budget total de l’Etat. Le secteur de l’éducation quant à lui reçoit 709,626 milliards de FCFA représentant 21,93% du budget de l’Etat. En outre, les ressources allouées au secteur rural sont de l’ordre de 234,168 milliards de FCFA soit 7,24% des dépenses de l’Etat. Les mesures d’atténuation du coût de la vie (subventions de certains produits de grande consommation) sont estimées à 94,318 milliards de FCFA soit 2,91% du budget. Enfin, la promotion des droits humains absorbe 25,079 milliards de FCFA soit 0,78% du budget 2023.
La part donc du budget 2023 consacrée aux secteurs sociaux est de 42,41%. Pour le CERA-FP, cette part «assez importante démontre l’attention particulière accordée par les autorités de la Transition pour la fourniture des services sociaux à la population ».
Outre, l’étude relève les parts budgétaires allouées à la santé et au secteur rural (Agriculture), qui sont respectivement 9,55% et 7,24% « ne respectent pas les engagements internationaux dans ces domaines. En effet, la déclaration d’Abuja de 2001 ratifiée par l’Etat stipule que le Gouvernement alloue chaque année 15% de son budget national à la santé ». M. Doanio rappelle que la déclaration de Maputo de 2003 engage les Chefs d’Etat africains à l’allocation de 10% de leur budget à l’agriculture en vue d’assurer la sécurité alimentaire. En outre, ceux des partenaires sociaux sont de 20% pour la santé et 30% pour l’éducation.
Même si la crise sécuritaire et ses conséquences socio-économiques sont des facteurs explicatifs de ces parts relativement bas, le CERA-FP pense que le « Gouvernement devrait travailler à rehausser les parts de ces secteurs en vue de consolider les acquis engrangés par le pays ».
Par ailleurs, l’étude révèle que les subventions de certains produits de grande consommation prévues en 2023 par l’Etat sont estimées à 2,91% du budget. Le Centre pense que si ces subventions sont bien gérées pourront « permettre aux citoyens burkinabè d’amortir le choc de la vie chère ». « Mais il convient de noter que ces subventions n’ont pas eu de par le passé les effets escomptés », relève l’économiste. En effet, les produits subventionnés font l’objet de contrebande et de trafic. Hermann Doanio déplore le fait que le « dispositif de contrôle du respect des prix des produits subventionnés est assez défaillant ». « Ces situations viennent saper les efforts du Gouvernement et annihiler les bénéfices de ces subventions pour le citoyen en termes de réduction du coût de la vie » conclut-il.
Hamidou TRAORE